Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/72

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tème constitutionnel est la négation des négations, une suprême utopie, comme l’empire et la légitimité. Homme d’État, homme pratique avant tout, il ne raisonne pas, il agit. Il attaque le principe parlementaire par les influences ; il tue le principe monarchique par une ridicule exhibition, la royauté bourgeoise, la seule que comportât le siècle. Même méthode pour le catholicisme. À quoi servent au peuple, qui ne lit pas, l’Encyclopédie, Voltaire, Rousseau, Dupuis, Volney, Lessing, Kant, Hegel, Strauss, Feuerbach ? Un million de volumes ne désabusent pas, en un siècle, quatre mille lecteurs : la Providence s’y prend autrement. Elle met en opposition la religion et l’intérêt ; elle attaque la foi par l’égoïsme : et la démonstration est faite.

Osons le dire : l’homme moral, parce qu’il fut l’homme de l’époque, ce fut Louis-Philippe. N’ayons peur de ce mot de corruption, si terrible à nos consciences malsaines : la corruption fut toute la moralité du gouvernement de juillet. La Charte l’avait ainsi voulu ; la Providence nous en avait donné de toute éternité le précepte.

Louis-Philippe est le seul homme en Europe qui, depuis dix-neuf ans, ait été constamment dans son rôle : aussi, jusqu’à l’heure marquée pour son départ, tout lui a réussi. Il a échappé aux balles des régicides, aveugles dans leurs pensées et incertains de leurs coups ; il a vaincu les factions et les intrigues ; odieux à toutes, il les foula aux pieds, il défia leur audace. Faible lui-même comme souverain, et comme prince dépourvu de prestige, il n’en a pas moins été l’homme fatidique, celui que le monde a adoré : l’antagonisme des principes qu’il combattait fit sa force.

Qu’il faut de petitesse pour ne pas comprendre ce qu’un tel rôle eut de profond et de grand ! Quoi ! Louis-Philippe est un méprisable fourbe, un avare ignoble, une âme sans foi, un génie médiocre, un bourgeois égoïste, un parleur insipide ; son gouvernement, s’il est possible, est encore au--