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Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/292

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ment consistent dès lors à produire le plus, et avec le moins de frais possible.

Mais, avait observé l’économie politique, le problème de la division du travail ne consiste pas seulement à réaliser la plus grande somme de produits ; il consiste encore à réaliser cette quantité sans préjudice physique, moral, ou intellectuel pour le travailleur. Or, il est prouvé que l’intelligence du travailleur est d’autant plus inclinée vers l’idiotisme, que le travail est plus divisé ; et réciproquement que plus l’homme embrasse de choses dans ses combinaisons, en reportant sur d’autres les dégoûts de l’exécution et le soin des détails, plus sa raison se fortifie, plus son génie s’élève et domine. Comment donc concilier la nécessité d’une division parcellaire avec le développement intégral des facultés, développement qui pour chaque citoyen est un droit et un devoir, et pour tous une condition d’égalité ; mais développement qui, par l’exaltation de la personnalité, est la mort du communisme ?

Sur ce point, le socialisme s’est montré aussi pauvre logicien que méprisable charlatan. A la division parcellaire il a ajouté la coupure des séances, jetant parcelles sur parcelles, incisions sur incisions, le trouble sur l’ennui, le tumulte sur l’insipidité. Il ne veut pas que les travailleurs aspirent tous à devenir généralisateurs et synthétiques ; il réserve cette distinction pour les natures privilégiées, dont il fait, tantôt des exploiteurs à la manière des propriétaires, A chacun selon sa capacité, à chaque capacité selon ses œuvres ; tantôt des esclaves, Les premiers seront comme, les derniers, et les derniers comme les premiers. Le socialisme n’a pas vu, ou plutôt il a trop bien vu que la division du travail était l’instrument du progrès et de l’égalité des intelligences en même temps que du progrès et de l’égalité des fortunes ; il repousse de toutes ses forces cette égalité qui lui répugne, parce qu’elle substitue au sacrifice obligatoire le sacrifice libre ; et c’est pour cela que tantôt il place la capacité au-dessus du travail parcellaire, tantôt il la rejette au-dessous. En Icarie, comme dans Platon, comme au phalanstère, partout enfin dans les livres socialistes, la science et l’art sont traités comme spécialités et corps de métiers : nulle part on ne les voit apparaître comme des facultés que l’éducation doit développer chez tous les hommes. Vous connaissez le socialisme, mon cher Villegardelle, dans son personnel aussi bien que dans ses livres. Rendez témoignage à la vérité : le socialisme croit-il à l’égalité des intelligences ? Le socia-