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Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/69

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nous disent toutes ces choses, n’ont-ils pas bonne grâce de se moquer des prohibitionnistes et de ceux qui se méfient des marchandises de la perfide Albion ? Pour moi, je le déclare : frappé comme je le suis des paroles de M. de Dombasles, je ne sais si un Français voudrait dire, ou même voudrait trouver la vérité tout entière sur les questions qui se rattachent à ce sujet, j’attends avec impatience que les économistes répondent : car, tout leur adversaire que je sois, tout intéressé que l’on me suppose à ruiner, per fas et nefas, le crédit de leurs théories, je regarderais comme une calamité pour la science que l’une des grandes écoles qui la divisent, disons même qui l’honorent, s’exposât de gaieté de cœur, et par un mouvement de fausse générosité, à passer dans notre susceptible pays pour l’agent secret de notre éternelle rivale.

Tout le monde sait que l’agitation anglaise pour la liberté du commerce fut d’abord dirigée seulement contre le monopole des céréales. L’industrie ayant épuisé tous les moyens de réduction, la taxe des pauvres, qui auparavant servait d’appoint à la rétribution de l’ouvrier, ayant été abolie, les fabricants pensèrent à faire diminuer le prix des subsistances, en demandant la réforme du tarif des grains. Leur pensée ne se porta pas d’abord plus loin ; et ce ne fut qu’à la suite des récriminations soulevées contre eux par les lords de la terre, qu’ils en vinrent à comprendre que quant à eux, c’est-à-dire à l’industrie anglaise prise en masse, elle n’avait plus besoin de protection, et qu’elle pouvait très-bien accepter le défi de l’agriculture. Poussons donc, se dirent les manufacturiers, non plus à une réforme partielle, mais à une réforme générale : ce sera tout à la fois avantageux et logique ; cela paraîtra sublime. Les fortunes, momentanément déplacées, se reformeront sur d’autres points, et le prolétaire anglais sera de nouveau distrait de ses vagues espérances d’égalité par une guerre d’industrie soutenue contre le monde.

Qu’elle l’avoue ou qu’elle le nie, la Ligue marche, par là liberté du commerce, à l’asservissement des nations ; et quand on nous vante la philanthropie de ses orateurs, on devrait nous faire oublier que c’est avec ses bibles et ses missionnaires que la dévote Angleterre a commencé partout l’œuvre de ses spoliations et de ses brigandages. Les économistes se sont étonnés du long silence de la presse française sur l’agitation antiprohibitionniste de la Grande-Bretagne. Et moi