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Page:Proust - Albertine disparue.djvu/201

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Mme de Guermantes, à se demander les raisons de cette insolence ; même une fois, ce qui eût fait mourir de honte pour elle tous les gens qui lui témoignaient un peu d’amitié, elle avait voulu écrire à la duchesse pour lui demander ce qu’elle avait contre une jeune fille qui ne lui avait rien fait. Les Guermantes avaient pris à ses yeux des proportions que leur noblesse eût été impuissante à leur donner. Elle les mettait au-dessus non seulement de toute la noblesse, mais même de toutes les familles royales.

D’anciennes amies de Swann s’occupaient beaucoup de Gilberte. Quand on apprit dans l’aristocratie le dernier héritage qu’elle venait de faire, on commença à remarquer combien elle était bien élevée et quelle femme charmante elle ferait. On prétendait qu’une cousine de Mme de Guermantes, la princesse de Nièvre, pensait à Gilberte pour son fils. Mme de Guermantes détestait Mme de Nièvre. Elle dit qu’un tel mariage serait un scandale. Mme de Nièvre effrayée assura qu’elle n’y avait jamais pensé. Un jour, après déjeuner, comme il faisait beau et que M. de Guermantes devait sortir avec sa femme, Mme de Guermantes arrangeait son chapeau dans la glace, ses yeux bleus se regardaient eux-mêmes et regardaient ses cheveux encore blonds, la femme de chambre tenait à la main diverses ombrelles entre lesquelles sa maîtresse choisirait. Le soleil entrait à flots par la fenêtre et ils avaient décidé de profiter de la belle journée pour aller faire une visite à Saint-Cloud, et M. de Guermantes tout prêt, en gants gris perle et le tube sur la tête, se disait : « Oriane est vraiment encore étonnante. Je la trouve délicieuse », et voyant que sa femme avait l’air bien disposée : « À propos, dit-il, j’avais une commission à vous faire de Mme de Virelef. Elle voulait vous demander de venir lundi à l’Opéra, mais comme elle a la petite Swann, elle n’osait pas et m’a prié de tâter le terrain. Je n’émets aucun avis, je vous transmets tout simple-