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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/101

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nous ploie irrésistiblement. Là, l’intelligence échoue, comme la plus haute raison échoue devant la foi d’un Pascal. Là, nous sommes humiliés, abaissés vers la terre, et plus encore que le laboureur silencieux penché sur sa charrue, parce que la puissance qui nous prosterne descend du ciel lui-même.

Toutes ces clartés manquaient à Nangès. Mais ne lui suffisait-il pas de voir venir à lui un si bel échantillon d’humanité ? Mentalité d’éleveur, c’est possible. Mais pourtant, quel est le capitaine qui n’a pas ressenti une sorte d’allégresse, et d’un ordre très haut, lorsque le recrutement lui a envoyé de solides gaillards et quelques fiers étalons ? C’est une joie presque physique d’abord, un sentiment d’abondance, de plénitude, et, vite aussi, mais peut-être accessoirement, un sentiment utilitaire, une simple vue pratique, la simple vue que le travail de l’ouvrier dépend un peu de l’outil qu’il a entre les mains, mais peut-être cette vue-là subsidiairement. Peut-être d’abord est-ce un plaisir d’amateur de voir de belles choses bien réussies, le plaisir du « curieux de tulipes », lequel ne pense pas à l’utilisation de ses tulipes, si qu’il pourra les vendre fort cher ou en tirer