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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/108

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les jours. Morne recommencement ! Et pourtant, quelle grandeur dans ces voix de cuivre qui s’appellent l’une l’autre, en pleine nuit. Un froid vif pénètre le jeune engagé, et il frissonne sous son mince bourgeron, dans le tombeau glacial de février. Il se sent déjà tout entier dans un immense poème serein et boréal.

Quand il rentre dans la chambre, les anciens sont déjà levés, habitués à bondir dès l’aube. Presque tous sont des employés : bourreliers, ordonnances, maréchaux ferrants, tous en sabots, vêtus de défroques, vieilles vestes, vieux tricots, vieilles vareuses coloniales, tabliers bleus. Deux canonniers, en bourgerons de toile raide, balaient la chambrée. Ce sont des jeunes gens qui se sont engagés peu de temps avant Vincent. Les soldats s’interpellent d’un bout de la chambrée à l’autre et se lancent des énormités qui les font encore rire.

Cependant le maréchal ferrant, pour l’édification des trois engagés, raconte ses exploits d’Indo-Chine :

— Mon vieux, à Cao-Bang, on se faisait des journées de soixante francs. Il n’y avait pas de maréchaux civils. L’administrateur avait demandé que nous soyons autorisés à ferrer