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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/127

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augmenter — de manquer à l’appel du matin. Il prit le pas de course. Ses basanes l’alourdissaient, il sentait des frissons de fièvre le parcourir. De loin, il entendit la trompette de l’artillerie, puis le clairon du 25e. C’était l’appel ! Il cessa de courir. Il se consolait en pensant à la belle fille d’amour et à l’odeur violente de son lit.

Déjà il estimait qu’il ne faut jamais rien regretter, mais surtout pas les bêtises que nous faisons… Arrivé au quartier, il se présenta de l’air le plus dégagé du monde au sous-officier de semaine, se mit en tenue pour la manœuvre. Et il goûtait un amer bonheur à remuer dans sa bouche toute l’âcre boue de l’amour et de l’alcool…

Or, ce soir-là, Nangès offrait le thé à quelques amis, comme il avait coutume de le faire presque toutes les semaines. Il y avait pas mal de monde. Les anecdotes se succédaient. Ces thés de cinq heures, chez Nantes, étaient fort gais. La vaste pièce où il recevait, toute ornée de fleurs, par les soins diligents de Valérie, respirait une intimité heureuse. Le porto, le whisky, les cakes, la fumée des cigarettes, une ou deux femmes assez jolies, sur des coussins,