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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/257

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I

M. Nangès, sur le paquebot qui l’emportait à Dakar, s’ennuyait agréablement. Il en aurait pleuré de joie. La nuit, sans aucun entrain, il s’attablait au poker. Le jour, couché sur sa chaise longue, il s’amusait à suivre seulement des yeux les grands albatros qui faisaient en l’air de gracieuses acrobaties, dans l’unique but, semblait-il, de montrer aux passagers comme ils savaient bien voler. Nangès s’étonnait que les heures fussent aussi légères. Elles dansaient, comme la mer elle-même, fluides, incertaines, l’une poussant l’autre. Après Gibraltar, il sentit un grand souffle tiède qui venait de la terre. Son cœur était plus léger, lavé, nouveau.

Le voyage était devenu pour lui une sorte d’excitant qui lui était nécessaire. Un déplacement, le départ d’un grand steamer ou d’un express, les longues étapes, tout départ et toute arrivée, faisaient à ses nerfs comme le premier coup d’archet d’un virtuose. De sourdes résonances mystérieuses lui revenaient volup-