Aller au contenu

Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À l’aube fraîche, le jeune homme se trouvait sur le parvis désert de la cathédrale. Il s’accouda sur la balustrade de pierre, buvant les souffles sauvages qui venaient du large. À ses pieds, c’était un trou noir, des choses confuses, le port, les docks immenses, des tas de choses qu’on ne comprenait pas. De loin en loin, un globe électrique jetait une lumière crue sur des trains de marchandises, sur une cabane où s’enchevêtraient des fils électriques. Et plus loin, on devinait la mer, toute noire, derrière les bassins, les môles, les formes de radoub, toute l’architecture fantastique des ports…

Voilà les derniers tableaux de la France. C’est beau. C’est noir et triste. Maurice pense aux joues claires de son amie, si lointaine déjà. Mais cette pensée ne lui cause nulle tristesse. Il est heureux d’avoir ce petit coin d’azur dans son ciel gris. Il est heureux qu’un tel souvenir habite la solitude de son cœur. Il sait que de chères images du passé sont un bagage indispensable pour une longue route, et que c’est la seule chose qu’il faille avoir, et le seul chargement nécessaire. Il le sait bien.

La petite place religieuse semble trembler