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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/322

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Voici les derniers rocs où viennent mourir les échos de la terre natale. Cette musique qui vient d’elle, lorsque soufflent les alizés du nord, c’est la plus douce, la plus limpide qui soit. De nulle part, mieux que d’ici, on n’aperçoit le visage douloureux de la patrie. On ne peut plus rien mépriser que ce qui n’est pas elle.

— Il est vrai, dit Timoléon, mais dans cette sérénité, j’aperçois encore un peu de la sauvage tristesse de mon ami. Et je songe encore à lui dans cette terre d’exil…

Il y eut un long silence. Nangès, oublieux de sa fatigue, nageait par delà les espaces et les temps dans un monde étrange où se mêlaient les attitudes du passé et les aspects de son pays. Un moment, il éprouva jusqu’à la douleur la sensation de l’océan normand, quand l’humidité totale vous noie, et qu’on chavire dans le silence. Puis il entendait les cloches de Saint-Sulpice, quand elles déferlent, le dimanche après-midi, sur le quartier du Val-de-Grâce désert…


Nangès s’éveilla. Une clarté incertaine était