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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/328

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sont tristes comme ceux qui suivent les grandes veilles amoureuses. Nangès fait sans joie son bilan : « Suis-je plus avancé qu’hier matin ? se dit-il. Hélas ! où va l’effort ? J’étais rajeuni de vingt ans ! Ô misère ! Infini… rien. »

Nangès n’était pas glorieux et il n’était pas non plus ambitieux. Son analyse avait toutes les apparences de la sincérité. Il était seulement un homme qui recherchait l’inquiétude. À mesure qu’il s’efforçait à s’approfondir, une résonance lointaine lui revenait, qui roulait de toute une profondeur mystérieuse :

« La guerre est divine. »

Et il s’apercevait que, vraiment, de toutes les choses divines qui nous restent, celle-là est la plus divine, la plus marquée du sceau divin. Et elle est la plus inaccessible dans son essence, et aussi elle est la plus voisine des puissances cachées qui nous mènent.

— Même aujourd’hui, se disait-il, je ne regrette pas que Maurice ait connu cela.

…Il reprit la route du sud, portant son cher fardeau. Il franchit des sables de nouveau. C’était sa vie. Elle était monotone, mais pure, et il l’aimait, parce qu’elle n’offrait à ses yeux délicats rien qui fût vil ou qui fût laid