Aller au contenu

Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’attendons pas qu’il récidive, parce que de pareilles attentes nous ont souvent causé de grands jeûnes. Si par hasard il a déjà commencé de manger, nous répondons que oui, mais, pour avoir occasion d’avaler un morceau, quoiqu’il coupe très bien la volaille, le pain, la viande ou quelque chose que ce soit, nous lui disons : « Reposez-vous, monsieur, permettez que je vous serve d’officier tranchant, car feu le duc ou le comte Un tel (nous en nommons un), que Dieu veuille avoir dans le ciel ! prenait communément plus de plaisir à me voir découper qu’à manger. » En même temps nous prenons le couteau, nous coupons de petites bouchées, et puis nous ajoutons : « Oh ! que cela sent bon ! Ce serait certainement faire outrage à la cuisinière que de n’en pas goûter. Quelle bonne main elle a ! » En disant cela nous vidons, pour preuve, la moitié du plat, et nous célébrons les navets pour des navets, le cochon pour du cochon, enfin chaque chose pour ce qu’elle est. Quand cela nous manque, nous avons une soupe assurée à quelque couvent. Nous ne la prenons pas en public, mais en cachette, faisant accroire aux religieux que c’est plutôt par dévotion que par besoin. Lorsque quelqu’un de nous se trouve dans une maison de jeu, il faut voir comme il sert et mouche les chandelles, apporte les urinaux, met les cartes, et vante ce qui appartient à celui qui gagne, le tout pour un triste réal de présent.

« Quant à ce qui regarde nos habillements, nous savons par cœur toute la vieille friperie, et nous