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Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/169

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temps

c’était qu’il m’importait fort que cela fût ainsi.

Je retournai caresser les mains du geôlier avec trois pièces de huit, et sachant quel était le greffier de l’affaire, je l’envoyai chercher par un petit drôle. Il vint, je le menai dans une chambre, et, n’étant là que nous deux, je lui dis, après avoir exposé mes raisons, que j’avais quelque argent que je le suppliais de me garder, le priant de vouloir bien favoriser, autant qu’il lui serait possible, un malheureux gentilhomme qui avait été induit en erreur par surprise. « Croyez, monsieur, me répondit-il, après avoir empoché ce que je lui donnai, que toute la manœuvre dépend de nous, et que si l’un de nous autres n’est pas homme de bien, il peut faire beaucoup de mal. J’en ai plus fait aller aux galères pour rien et par goût qu’il n’y avait de lettres dans les procès. Reposez-vous sur moi et croyez que je vous tirerai déchargé de tout. »

Il s’en alla ensuite ; mais, quand il fut à la porte, il retourna sur ses pas et revint à moi me demander quelque chose pour le bon alguazil Don Diégo Garcia, qu’il était important de faire taire au moyen d’un baillon d’argent. Il m’ajouta je ne sais quoi en faveur du rapporteur, pour l’aider à avaler une déposition entière. « Un rapporteur, me dit-il, en fronçant les sourcils, en élevant la voix, en frappant du pied pour rappeler l’attention du juge distrait (car ces messieurs-là le sont la plupart du temps), d’un seul geste peut anéantir un chrétien. » Je compris à quoi tendait ce discours, et j’ajoutai cinquante réaux.