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Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/175

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lassait pas de les faire voir. Dans les rues, elle enseignait du doigt la maison de l’un, la maison d’un autre. Sur l’estrade, elle avait toujours une épingle à attacher à sa coiffure. Si elle jouait à quelque jeu, c’était toujours à celui de pince-minette, parce qu’il faut y faire agir les mains. Elle affectait de bailler, sans en avoir envie, uniquement pour montrer ses dents et faire des signes de croix sur sa bouche. Enfin tout ce qu’il y avait dans la maison était si fort manié et remanié par elle, pour faire voir ses mains, que ses père et mère en étaient eux-mêmes impatientés.

Je fus logé le mieux du monde chez ces gens-ci, parce que la maison était bien meublée, et qu’ils ne voulaient y avoir que trois locataires. Les deux qui s’y trouvèrent avec moi étaient l’un Portugais et l’autre Catalan. Ils me firent un fort bon accueil. La jeune fille ne me parut pas mal pour un commerce de galanterie, surtout à cause de la commodité d’être tous deux dans la même maison. Aussi je jetai sur elle mon dévolu. Je lui récitais, à elle et à sa mère, des contes que j’avais appris pour m’amuser. Je leur apportais des nouvelles, quoique il n’y en eût pas, et je leur rendais tous les services qui ne me coûtaient rien. Je leur dis que je savais des enchantements, que j’étais un nécromancien ; que je ferais paraître que la maison s’écroulait, ou qu’elle était toute embrasée, et d’autres que je n’eus pas de peine à leur persuader, parce qu’elles étaient fort crédules.

Par tous ces petits stratagèmes, je me conciliai