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Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/46

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tapis, un coffre où était le linge et les autres ustensiles de ménage. Quant à nous, étant montés dans un carrosse, nous partîmes sur le soir, une heure avant la fin du jour, et nous arrivâmes à minuit à la maudite hôtellerie de Viveros. L’hôtelier était morisque et fripon ; de ma vie je n’ai vu chien et chat si bien unis, ni si fort d’accord que ce jour-là. Il nous fit beaucoup de politesses, et comme c’était un affranchi, de même que les conducteurs de notre bagage, qui étaient arrivés avant nous parce que nous allions lentement, il s’approcha du carrosse, me présenta la main pour m’aider à descendre du marchepied, et me demanda si j’allais étudier. Après lui avoir répondu qu’oui, il me conduisit dans un endroit où étaient des ruffians avec des jeunes filles débauchées, un curé disant son bréviaire à l’odeur du manger, un vieux marchand avare qui tâchait d’oublier le souper et deux jeunes étudiants affamés, qui ne désiraient rien tant que de trouver les moyens d’assouvir aux dépens d’autrui leur faim canine.

Mon maître, comme un jeune homme nullement accoutumé à se trouver dans une hôtellerie, dit : « Notre hôte, donnez-moi ce qu’il y aura, pour moi et pour deux domestiques. » – « Nous sommes tous à votre service, s’écrièrent aussitôt les ruffians, et nous aurons l’honneur d’exécuter vos ordres. Holà ! l’hôte ! Songez que ce gentilhomme vous saura gré de ce que vous ferez. Videz le buffet, et ne ménagez pas la dépense ! » Dans le même temps, un d’entre