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Page:Quincey - Souvenirs autobiographiques du mangeur d’opium, trad. Savine, 1903.djvu/127

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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES


singularités de langage parlé datant des siècles primitifs de la civilisation romaine, se retrouvaient encore, dormant dans les anciens établissements romains, tant en Gaule, qu’en Espagne, longtemps après qu’ils avaient cessé d’être employés, et même d’être compris, à Rome. Grâce à la lenteur et à la difficulté des communications, au manque de journaux, etc., il arrivait tout naturellement que les villes lointaines, bien qu’ayant leur littérature et leurs professeurs de lettres, étaient toujours en retard d’une ou deux générations sur la capitale. Il en résulta que vers le temps d’Auguste, il y avait à Rome quelques grammairiens, l’équivalent de notre érudition critique, qui cherchaient des matériaux pour leurs recherches à Boulogne, (Gessoriacum), à Arles (Arelate), à Marseille (Massilia).

Or, la vieille noblesse irlandaise — j’entends celle qu’on pourrait appeler la noblesse rurale — était à peu près dans la même situation relativement aux mœurs et coutumes anglaises. On pouvait trouver d’antiques demeures de construction bizarre, dans le style de nombreux châteaux ou manoirs, d’un plan mal conçu au point de vue de la commodité et de l’économie, avec de longues galeries irrégulières, des « passages qui ne menaient nulle part, » des fenêtres innombrables qui évidemment n’avaient jamais tenu compte de cette sévère mercuriale que leur adressa un jour William Pitt. Il n’était pas rare d’y trouver la traditionnelle chambre hantée, mais les pièces habitées y offraient un confort, un air d’intime bien-être qu’on ne réalise que bien difficilement dans les temps modernes. On y trouvait de vieilles bibliothèques, de vieux sommeliers, de vieux usa-