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Page:Quincey - Souvenirs autobiographiques du mangeur d’opium, trad. Savine, 1903.djvu/311

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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

des rêveries sans but, d’après ce système, l’étudiant n’est pas exposé à répondre à une question brusquement posée, à une interpellation directe. Quant aux récompenses données pour des essais, etc., elles ont pour résultat de mettre en plein jour les talents cachés, mais elles ne constituent pas un critérium de l’attention donnée au Professeur, sans compter que l’on ne prend part au concours que si on le veut bien. Il est vrai que parfois il y a des examens, mais une leçon d’Oxford est un examen quotidien, et cela mis à part, quelle chance y a-t-il, je le demanderais, pour qu’il se fasse un examen à fond avec l’autorité nécessaire ou le poids d’influence que donnent les qualités personnelles, si — ce dont Dieu nous garde ! — l’on substituait la fonction des professeurs d’Allemagne à celle de nos professeurs anglais, c’est-à-dire si des maîtres indépendants et libéraux faisaient place à de pauvres, à de mercenaires marchands de science, toujours prêts à se découvrir devant les étudiants opulents, à se faire les esclaves de leurs caprices, et à dégrader du même coup la science qu’ils enseignent, le professeur et l’élève ? Pourtant j’apprends qu’on a recommandé cela à une Commission royale nommée pour enquêter sur une ou plusieurs Universités écossaises. Dans les Universités allemandes, chaque professeur doit sa situation, non point à sa bonne conduite, mais au bon plaisir et au caprice des jeunes gens qui s’adressent à sa boutique. Car en somme c’est une boutique qu’il tient ; d’autres que lui, en nombre illimité, généralement des gens sans crédit, sans respectabilité établie, peuvent ouvrir des boutiques rivales, et il en résulte parfois que dans ce chenil, de misérables professeurs se re-