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Page:Quincey - Souvenirs autobiographiques du mangeur d’opium, trad. Savine, 1903.djvu/59

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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

ment connues. Voici à peu près ce qui se passai ensuite. Il paraît que mon nom lui avait été indiqué pendant que nous nous approchions, ce qui le dispensa de me le demander. Étais-je à Eton ? Je répondis que je n’y étais pas, mais que je comptais y entrer. Avais-je encore mon père ? Je ne l’avais plus, il y avait huit ans qu’il était mort. — Mais vous avez votre mère ? — Je l’avais encore. — Et elle compte vous envoyer à Eton ? Je répondis que je l’avais entendue exprimer cette intention en ma présence, mais qu’elle l’avait peut-être fait pour esquiver une discussion avec mon interlocuteur qui se trouvait avoir été Etonien : « Oh ! mais tout le monde fait grand cas d’Eton, tout le monde en fait l’éloge, votre mère a raison de s’informer ; il n’y a pas de mal à cela, mais plus elle s’informera, plus elle sera satisfaire, je puis en répondre… »

Puis il me fit une question qui avait été suggérée par mon nom. Ma famille était-elle venue en Angleterre avec les Huguenots, après la révocation de l’Édit de Nantes ? C’était faire vibrer en moi une corde sensible ; ce qui me paraissait insupportable par dessus tout, c’était qu’on me supposât d’origine française, et, je répondis avec quelques vivacité : « Que Votre Majesté le permette, la famille a vécu en Angleterre depuis la Conquête. » Il est probable que j’avais rougi, ou que je m’étais montré quelque peu décontenancé, ce qui cependant ne déplut pas au roi, car il sourit et me dit : « Comment savez-vous cela ? » Je fut un instant embarrassé pour y répondre ; car je sentais qu’il n’était pas convenable de ma part d’occuper l’attention du roi par le récit de longues histoires ou traditions sur un sujet aussi peu important que ma famille,