Aller au contenu

Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

TROISIÈME PARTIE



3 juin, en mer, au large de Marseille. — J’ai apporté sur le pont le gros cahier blanc de Néroli. Je l’ai posé sur une petite table, au-dessous d’une lampe électrique, et je me suis installé dans un vaste fauteuil d’osier.

Il fait une nuit admirable, toute vivante d’étoiles, une nuit profonde et douce. La mer est calme, unie. L’Amphisbène file mollement. J’entends le bruit régulier, monotone, joyeux que fait l’eau le long du bordage. Du pont arrière, où je suis assis, j’ai devant moi toute l’étendue du yacht, coupée par les deux mâts et la cheminée. Je sens dans sa masse la vibration sourde de l’hélice. La côte a disparu…

Tout le monde est endormi. M. et Mme Subagny ont été assez éprouvés par ces premières heures de voyage. Gernon n’a pas fait non plus très bonne figure. Antoine, furieux, maintenant, d’être parti, est demeuré dans sa cabine. Mme Bruvannes s’est enfermée dans la sienne. Mme de Lérins a fait de même. Me voici seul. La nuit est belle, tiède, silen-