Aller au contenu

Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/307

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

sûrement couler. Il entendait des craquements sinistres. La coque une fois disjointe, on irait au fond de l’eau. Comment avait-il eu l’idée de prendre part à ce maudit voyage ? Et le pauvre Gernon se lamentait d’une voix aigre qu’entrecoupait le choc régulier des lames contre les flancs du yacht. La terreur le rendait presque éloquent. Il se comparait à Ulysse, et la catastrophe qui nous menaçait lui rappelait les naufrages antiques. Il se voyait déjà cramponné à quelque épave, ballotté par les flots et jeté sur une plage inhospitalière. Au moins avait-on des ceintures de sauvetage et des bouées de secours ? Saurait-on seulement construire un radeau ?

Sans prévoir ces extrémités, il était évident, néanmoins, que la mer devenait de plus en plus mauvaise. Les oscillations du roulis se faisaient plus brusques et plus profondes. Dans le tapis, des dépressions subites se creusaient sous mes pas, alternant avec des soulèvements inattendus. Je parvins ainsi jusqu’à la cabine de Mme Bruvannes. Comme la sienne, celles des Subagny étaient closes. Au bout du couloir, je m’aperçus avec surprise que la cabine de Mme de Lérins était ouverte. La porte, qu’elle avait oublié de fixer au crochet, battait violemment. Peut-être Laure était-elle incapable de se lever pour fermer cette porte ? Je m’approchai discrètement. L’électricité brillait. J’appelai Mme de Lérins. Aucune voix ne me répondit. J’avançai la tête. Le lit était vide. Laure était-elle donc montée sur le pont ? Quelle imprudente !

Avec peine je retraversai le couloir, en me tenant