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Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/322

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s’entrecroisent, se rejoignent. Parfois, par une échappée, apparaît un bout des hautes murailles sarrasines qui entourent la ville et protègent sa mosquée antique et vénérée.

Nous y sommes arrivés, après avoir erré dans les souks et suivi de nombreuses petites rues désertes. Une vaste cour, dallée de marbre blanc, la précède, que domine un minaret carré, dressé haut dans le ciel d’un bleu dur. En face de ce minaret, la mosquée s’étend, casquée de ses coupoles. Une longue galerie couverte la précède, dont le plafond de bois sculpté laisse pendre de grandes lanternes. Sur cette galerie s’ouvrent les portes du sanctuaire. Elles sont très vieilles et d’un bois très précieux.

La mosquée de Kairouan est la mosquée des Colonnes. Elles jaillissent du pavage en une multitude harmonieuse. Elles forment des allées, des enfilades. Elles sont faites des marbres les plus divers. Il y en a de marbre vert, il y en a de marbre rose, il y en a de marbre rouge. Elles sont des provenances les plus différentes : grecques, byzantines ou romaines. Elles ont soutenu des frontons de temples, des porches de palais, des voûtes d’églises. Quelques-unes ont été plantées à l’envers et leurs chapiteaux leur servent de bases. Il y en a même deux qui sont si rapprochées l’une de l’autre que, lorsque l’on peut s’insinuer entre leurs fûts, c’est une marque, dit-on, que l’on entrera au paradis. Elles sont le mystère et la beauté de cette mosquée obscure et silencieuse, fraîche en son ombre