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Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/81

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rôle une si intense passion que l’on oublie la laideur olivâtre de son visage et le bariolage ridicule de son costume. Quand il a fini et qu’il s’est arrêté net dans une pirouette vertigineuse, avec un choc sec de talons, ma voisine a applaudi. Machinalement, j’ai fait de même. Mme de Jersainville s’est retournée pour voir la personne qui partageait son enthousiasme. Nos regards se sont croisés de nouveau. J’ai baissé les yeux devant la hardiesse des siens.

Le spectacle terminé, je me dirige vers le buffet. En chemin, la gentille Germaine Tullier me sourit gentiment au passage. À ce moment, Mme de Jersainville me dépasse et me sourit également. Quelle différence entre ces deux femmes et comme elles ont dû goûter différemment les danses de tout à l’heure ! Quant à Gernon, que je retrouve au buffet, une coupe de champagne à la main, et toujours suivi de son jeune admirateur qui lui passe des assiettes de friandises, il semble tout guilleret et tout émoustillé, et il considère d’un air fripon la belle Mme de Jersainville, qui remonte, d’un geste négligent, l’épaulette tombée de son corsage très décolleté.


30 janvier. — J’ai reçu une lettre de ma mère. Les nouvelles que lui a données de moi le docteur Tullier l’ont rassurée, et cependant, entre les lignes, je démêle quelque inquiétude. Il me semble aussi y