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Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/183

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aboyé par les chiens, coucha sur des lits de bronze et dormit sur des soies tissées. On l’éventait de palmes et on le berça de chansons ; des parfums fumèrent à son chevet. Ce furent d’étonnantes amours. Il devint célèbre et recherché, car il y a une secrète et lâche douceur, pour ceux qu’elle repousse, à fréquenter au moins les amants heureux de la femme qu’on désire, et Ilalie hantait les songes des jeunes hommes comme une statue hautaine. Un matin on la trouva nue sur sa couche et plus blanche que du marbre, souriante comme si elle fût morte de joie.

Hermagore ne la pleura point. On admira la supériorité de son indifférence, et la rumeur du renom d’élégance qu’elle lui valut parvint jusqu’à la reine. Elle habitait un palais surmonté d’un vaste dôme entouré d’autres plus petits. Hermagore y fut introduit en secret, et souvent le soir il y entrait pour n’en sortir qu’à l’aurore. La reine l’aima et, comme il y a dans les destins des contagions mystérieuses, il devint roi, celui pour qui on régnait étant mort, idiot et béat, dans le pavillon solitaire où il se traînait en bavant sur les dalles. La sépulture du défunt