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Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/264

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On eût pu y rêver sous les arbres, boire à l’eau, se confronter à la solitude et il fallait que la foule errât sans cesse par le labyrinthe des rues poussiéreuses, entre les hautes maisons de pierre à portes de bronze, parmi les visages différents et les discours superflus. Ah triste ville ! On y errait désespérément à la recherche de soi-même, ceux-là du moins que ne satisfaisait pas de disputer au coin des carrefours, de pérorer du haut des bornes, de trafiquer sur les comptoirs ou de danser au bruit des tambourins.

La plupart s’en contentaient. Ils vont et viennent sans s’apparier plus que pour l’accord d’un marché ou l’entente d’un désir. Quelques sages s’y promenaient, un miroir à la main. Ils s’y regardaient obstinément pour essayer d’être seuls, mais de hargneux enfants cassaient à coups de pierres les glaces attestatrices et la foule riait d’imposer ainsi l’autorité de son despotisme...

A mesure qu’elle parlait, il me semblait que la vision qu’elle évoquait avec dégoût se reconstituait en moi. J’y entendais comme un lointain bourdonnement intérieur. Il se levait de mon passé des rumeurs mémoriales et analogues et