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Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/289

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qu’un de presque surnaturel qui est derrière nous quand nous regardons son apparence, qui est peut-être en nous-mêmes, pâle et à fleur de songe !

J’ai longtemps scruté cette face morne et nue, cette face douloureuse aux yeux tristes. Les lèvres un peu gonflées se tuméfient d’une bouderie grave. Méditative face de désir et de mortification d’accord avec ces mains qui cramponnent leur lassitude à la poignée cruciale de la haute épée. Les faibles mains mélancoliques ne la lèveraient plus. Leur geste d’accablement a renoncé à tordre l’éclair engourdi de métal qui coule doucement le long de l’arête de la lame triangulaire.

Rien ne justifie plus l’habit de guerre qui roidit de sa cuirasse le torse maladif. La lumière au poli miroitant de l’armure semble se fondre en longues larmes blanches, et, sous cette vêture belliqueuse, sous toute cette fausse apparence de force encore, du fond de l’être, de la vie et du destin, on sent monter à cette face nue la suffocante moiteur d’un sanglot, tant ces mains à cette épée superflue sont bien une attitude qui se résigne sans s’acharner à en