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Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/89

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vîmes bientôt ses hautes falaises vaporeuses, qui se solidifièrent. Nous naviguions proche de l’île : une pointe de roc tournée, le port s’ouvrit. Une fois à terre je me mis en quête de l’auberge et ensuite je revins flâner le long de la mer. Le reflux découvrait la vase du bassin ; des algues s’égouttaient des parois du quai ; elles pendaient gluantes et lisses. Des enfants jouèrent interminablement à faire rouler des galets sur les dalles. Un vieil homme fumait en rapiéçant une voile.

Je voulus monter sur la falaise où conduisait un sentier. Elle était escarpée, herbue. Une fourrure de bruyères rousses couvrait son dos et son flanc décharné plongeait à pic dans la mer. L’âpreté de la chaleur cuisait le roc. Du point de ma promenade une partie de l’île s’étendait à ma vue. Elle apparaissait oblongue, sans arbres, dans la terrible désolation de son pelage de mousses où perçaient des nuques de pierre, l’ossature de sa nudité fauve.

Le soleil se coucha en rougeoyant, l’île entière devint violette, comme vieillie d’un subit automne de crépuscule. Sur la mer, un retour de barques voletait épars. Les voiles d’ocre res-