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Page:Répertoire national ou Recueil de littérature canadienne, compilé par J Huston, vol 1, 1848.djvu/210

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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

Mais errant aujourd’hui sur la terre étrangère,
Sans parents, sans patrie, oublié des humains,
À l’écho de douleur j’adresse mes refrains ;
        La nuit seule entend ma prière.

Ô toi qui de l’amour bus le philtre enchanteur,
Ou qu’abreuve à longs traits la coupe du malheur,
        Poursuis les concerts de ta lyre :
La nature propice en ces lieux les inspire,
        Et les zéphirs te répondront en chœur.

Hélas ! dans quel climat le ciel te fit-il naître ?
Quel destin malheureux, quel orage peut-être,
        Contre toi souleva les flots ?
D’un joug pesant fuis-tu l’ignominie,
        Ou de ton fatal génie
Suis-tu l’astre entraîné par des sentiers nouveaux ?

        Le bonheur file en silence
        Les jours de l’humble berger ;
        Le toit qui vit sa naissance
        Ne le vit pas s’enfuir à l’étranger.

        Content du sort, chéri de sa bergère,
En vain, roule aux cités le char ambitieux,
        Dormant en paix sous la douce chaumière,
Il méprise des rois les palais orgueilleux.
Que n’ai-je, comme lui, dans le hameau paisible
Sut choisir un séjour aux chagrins inconnu !
Savourant le bonheur d’une épouse sensible
        J’eus partagé l’amour et la vertu.

Mais d’un astre fatal éprouvant l’influence,
J’errai contre mon gré bien loin sous d’autres cieux.
Je disais : je verrai le soleil de la France
        Et le tombeau de mes ayeux.

Je laissai donc ces bords, où, profonds et sublimes
Roulent du Saint-Laurent les flots majestueux ;
J’entends encor gronder dans les sombres abîmes
Du fier Montmorency les rochers écumeux.
Mes yeux suivaient de loin ces murailles superbes
Qui portent jusqu’au ciel leurs créneaux foudroyants.
Et les rayons du soir glissaient, comme des gerbes,
        Sur les toits éblouissants.