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Page:Répertoire national ou Recueil de littérature canadienne, compilé par J Huston, vol 1, 1848.djvu/322

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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

des lunettes vertes, et c’est ce qui m’intrigue le plus, car on dit que quelquefois les gens en portent pour cacher leurs yeux ; il faut avouer qu’on a bien des ruses. Puis il portait un énorme paquet de papiers attachés d’un ruban rose, ce qui pourrait fort bien être quelque chose d’important ; qu’en pensez-vous ?

Je vais laisser parler mesdames les voisines qui en auront encore pour longtemps probablement à conjecturer, et je veux vous faire connaître plus particulièrement mademoiselle Lesattret, qui est une personne fort aimable. Elle a près de trente ans. Vous me direz que c’est un âge un peu avancé pour une demoiselle, je vous répondrai qu’une femme est encore jeune à cet âge, et qu’on l’est toujours avec un caractère agréable ; pour cette fois, j’aurai de mon côté une bonne partie du beau sexe ; ainsi donc, vous avez tort, ne m’interrompez plus. D’ailleurs, cette demoiselle avait la précaution de ne jamais dire son âge, et parlait de sa naissance de manière à faire supposer, sans se compromettre, qu’elle approchait des vingt-cinq. Elle chantait bien, s’accompagnait de la guitare, et connaissait le nom des auteurs classiques ; elle avait un certain usage du monde, qui, joint à de l’esprit, attirait l’attention et la rendait très séduisante. Elle avait une petite rente que lui avait laissée un de ses frères ; elle ne pouvait que vivre bien économiquement, mais quelques broderies, qu’elle faisait vendre par sa gouvernante, lui procuraient les moyens de paraître indépendante ; elle sortait rarement et recevait peu de visites.

Depuis longtemps, monsieur Desnotes s’était introduit auprès d’elle, lui faisait de régulières visites, et peu à peu s’était trouvé subjugué par ses charmes ; chaque jour il découvrait en elle de nouvelles qualités, et se trouvait de plus en plus attaché à celle qu’il appelait son amie, mais qu’il eût voulu lier par des nœuds plus doux encore.

Mademoiselle Lesattret paraissait recevoir ses hommages avec plaisir, mais elle n’avait jamais essayé de le lui faire