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Page:Rabelais - Gargantua et Pantagruel, Tome II (Texte transcrit et annoté par Clouzot).djvu/115

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naît un autre, comme maille à maille est fait l’haubergeon[1]. Enfin je trouve le procès bien par informations formé et parfait en ses membres. Adonc je retourne à mes dés, et n’est par moi telle interpolation[2] sans raison faite et expérience notable.

« Il me souvient qu’on camp de Stokolm, un Gascon, nommé Gratianauld, natif de Saint-Sever, ayant perdu au jeu tout son argent, et de ce grandement fâché (comme vous savez que pecunia est alter sanguis) à l’issue du brelan, devant tous ses compagnons, disait à haute voix : « Pao cap de bious, hillots, que mau de pippe bous tresbire ! ares que pergudes sont les mies bingt et quouatte baguettes, ta pla donnerien picz, trucs et patacts. Sei degun de bous aulx, qui boille truquar ambe iou à bels embis[3] ? » Ne répondant personne, il passe au camp des Hondrespondres[4], et réitérait ces mêmes paroles, les invitant à combattre avec lui. Mais les susdits disaient : Der guascongner thut schich usz mitt eim ieden ze schlagen, aber er ist geneigter zu staelen ; darumb, lieben frauven, hend serg zu ineuerm hausraut[5] » Et ne s’offrit au combat personne de leur ligue. Pourtant passe le Gascon au camp des aventuriers français, disant ce que dessus et les invitant au combat gaillardement, avec petites gambades gasconiques. Mais personne ne lui répondit. Lors le Gascon, au bout du camp, se coucha près les tentes du gros Christian, chevalier de Crissé, et s’endormit. Sur l’heure un aventurier, ayant pareillement perdu tout son argent, sortit avec son épée, en ferme délibération de combattre avec le Gascon, vu qu’il avait perdu comme lui :

Ploratur lacrymis amissa pecunia veris,


dit glos. de pœnitent. dist. 3., c. sunt plures. De fait l’ayant cherché parmi le camp, finalement le trouva endormi. Adonc lui dit : Sus, ho, hillot[6] de tous les diables, lève-toi : j’ai perdu mon argent aussi bien que toi. Allons nous battre gaillard[7] et bien à point frotter notre lard. Avise que mon verdun[8] ne soit point plus long que ton espade[9]. » Le Gascon tout ébloui lui répondit : « Cap de saint Arnault, quau seis tu, qui me rébeilles ? que mau de taoverne te gire ! Ho saint Siobé, cap de Gascogne, ta pla dormie iou, quand aquoest taquain me bingut estée. » L’aven-

  1. La cotte de mailles.
  2. Intercalation.
  3. (Patois gascon).
  4. Lansquenets.
  5. (Allemand vulgaire).
  6. Fils.
  7. Gaillardement.
  8. Lame de Verdun.
  9. Épée espagnole.