Page:Rabelais - Gargantua et Pantagruel, Tome II (Texte transcrit et annoté par Clouzot).djvu/28

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« Ainsi nous le témoigne le capitaine et philosophe hébreu Moïse, affirmant qu’il s’arma d’une brave et galante braguette, faite, par moult belle invention, de feuilles de figuier, lesquelles sont naïves[1] et du tout commodes en dureté, incisure, frisure, polissure, grandeur, couleur, odeur, vertu et faculté pour couvrir et armer couilles. Exceptez-moi les horrifiques couilles de Lorraine, lesquelles à bride avalée[2] descendant au fond des chausses, abhorrent[3] le manoir des braguettes hautaines et sont hors toute méthode, témoin Viardière, le noble Valentin, lequel, un premier jour de mai, pour plus gorgias[4] être, je trouvai à Nancy décrottant ses couilles, étendues sur une table comme une cape à l’espagnole.

« Donc ne faudra dorénavant dire, qui ne voudra improprement parler, quand on enverra le Franc-taupin en guerre : « Sauve, Tevot, le pot au vin, c’est le cruon[5] ». Il faut dire : « Sauve, Tevot, le pot au lait, ce sont les couilles, de par tous les diables d’enfer. » La tête perdue, ne périt que la personne : les couilles perdues, périrait toute humaine nature. C’est ce que mut le galant Cl. Galen., lib. I. de Spermate, à bravement conclure que le mieux, c’est-à-dire moindre mal, serait point de cœur n’avoir que point n’avoir de génitoires, car là consiste, comme en un sacré repositoire[6], le germe conservatif de l’humain lignage. Et croirais, pour moins de cent francs, que ce sont les propres pierres moyennants lesquelles Deucalion et Pyrrha restituèrent le genre humain, aboli par le déluge poétique. C’est ce qui meut le vaillant Justinian, lib. IV, de Cagotis tollendis, à mettre summum bonum in braguibus et braguetis.

« Pour cette et autres causes, le seigneur de Merville essayant quelque jour un harnais neuf, pour suivre son roi en guerre (car du sien antique et à demi rouillé plus bien servir ne pouvait, à cause que depuis certaines années la peau de son ventre s’était beaucoup éloignée de ses rognons) sa femme considéra en esprit contemplatif que peu de soin avait du paquet et bâton commun de leur mariage, vu qu’il ne l’armait que de mailles, et fut d’avis qu’il le munît très bien et gabionnât d’un gros armet de joutes, lequel était en son cabinet inutile. D’icelle sont écrits ces vers on[7] tiers livre du Chiabrena des Pucelles :


Celle qui vit son mari tout armé.
Fors la braguette, aller à l’escarmouche,

  1. Naturelles.
  2. Abattue.
  3. Fuient.
  4. Pimpant.
  5. Cruchon (la tête).
  6. Réservoir.
  7. Au.