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Page:Rabelais marty-laveaux 01.djvu/155

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Comment Gargantua desmollit le chasteau du Gué de Vede, et comment ilz passerent le gué.

Chapitre XXXVI.



Venu que fut, raconta l’estat onquel avoit trouvé les ennemys et du stratageme qu’il avoit faict, luy seul contre toute leur caterve, afferment que ilz n’estoient que maraulx, pilleurs et brigans, ignorans de toute discipline militaire, et que hardiment ilz se missent en voye, car il leurs seroit très facile de les assommer comme bestes.

Adoncques monta Gargantua sus sa grande jument, accompaigné comme davant avons dict, et, trouvant en son chemin un hault et grand arbre (lequel communement on nommoit l’Arbre de sainct Martin, pource qu’ainsi estoit creu un bourdon que jadis sainct Martin y planta), dist : « Voicy ce qu’il me failloit : cest arbre me servira de bourdon et de lance. » Et l’arrachit facilement de terre, et en ousta les rameaux, et le para pour son plaisir.

Ce pendent sa jument pissa pour se lascher le ventre ; mais ce fut en telle abondance qu’elle en feist sept lieues de deluge, et deriva tout le pissat au gué de Vede, et tant l’enfla devers le fil de l’eau que toute ceste bande des