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Page:Rabelais marty-laveaux 01.djvu/303

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meilleur de la ville, & beut assez bien. Mais le pouvre Panurge en beut vaillament, car il estoit exime comme ung harang soret. Aussi alloit il du pied comme ung chat maigre. Et quelqu’ung l’admonesta en disnant, disant.

Compere tout beau, vous faictes rage de humer.

Je donne au diesble ! (dist il). Tu n’as pas trouvé tes petitz beuvreaux de Paris, qui ne beuvent en plus q’un pinson et ne prenent leur bechée sinon qu’on leurs tape la queue à la mode des passereaux. Ô, compaing, si je montasse aussi bien comme je avalle, je feusse desjà au dessus la sphere de la lune avecques Empedocles ! Mais je ne sçay que diable cecy veult dire : ce vin est fort bon et bien delicieux, mais plus j’en boy, plus j’ay de soif. Je croy que l’ombre de Monseigneur Pantagruel engendre les alterez, comme la lune faict les catharres.

À quoy se prindrent à rire les assistans. Ce que voyant Pantagruel, dist. Panurge, qu’est ce que avez à rire ?

Seigneur (dist il) ie leur contoys, comment ces diables de Turcqs sont bien malheureux de ne boire point de vin. Si aultre mal n’y avoit en l’Alchoran de Mahumet, encores ne me mettroys ie pas de la foy.

Mais or me dictes comment, dist Pantagruel, vous eschappates de leurs mains ?

Par dieu seigneur, dist Panurge, ie ne vous en mentiray de mot. Les paillards Turcqs mes avoient mys en broche tout lardé, comme ung connil, car iestoys tant exime que aultrement de ma chait eust esté fort maulvaise viande, pour me faire roustir tout vif. Et ainsi comme ilz me roustissoient, ie me recommandoys à la grace divine, ayant en memoire le bon sainct Laurent, et tousiours esperoys en Dieu, qu’il me delivreroit de ce torment, ce qui fut faict bien estrangement.