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chapitre xxxii

que amy, par les quelles le prioit que pendent ſon abſence il conduiſt ſa femme chés ſes pere & mere, les quelz eſtoient gens honorables & bien famez, ne voulant qu’elle ſeule demouraſt en ſon meſnaige. Ce neantmoins qu’il veiglaſt ſus elle ſoingneuſement, & eſpiaſt quelle part elle iroit auecques ſa mere, & quelz gens la viſiteroient chés ſes parens. Non (eſcriuoit il) que ie me defie de ſa vertus & pudicité, laquelle par le paſſé m’a elle explorée & congnue : mais elle eſt femme. Voy là tout. Mon amy, le naturel des femmes nous eſt figuré par la Lune, & en aultres choſes, & en ceſte : qu’elles ſe muſſent, elles ſe conſtraignent, & diſſimulent en la veue & præſence de leurs mariz. Iceulx abſens elles prenent leur aduentaige, ſe donnent du bon temps, vaguent, trotent, depoſent leur hypocriſie, & ſe declairent : comme la Lune en coniunction du Soleil n’apparoiſt en ciel, ne en terre. Mais en ſon oppoſition, eſtant au plus du Soleil eſloingnée, reluiſt en ſa plenitude, & apparoiſt toute, notamment on temps de nuyct. Ainſi ſont toutes femmes femmes[1].

Quand ie diz femme, ie diz vn ſexe tant fragil, tant variable, tant muable, tant inconſtant, & imperfaict, que nature me ſemble (parlant en tout honneur & reuerence) s’eſtre eſguarée de ce bon ſens, par lequel elle auoit créé & formé toutes choſes, quand elle a baſty la femme. Et y ayant penſé cent & cinq cens foys, ne ſçay à quoy m’en reſouldre : ſi non que forgeant la femme, elle a eu eſguard à la ſociale delectation de l’home, & à la perpetuité de l’eſpece humaine : plus qu’à la perfection de l’indiuiduale muliebrité. Certes Platon ne ſçait en quel ranc il les doibue colloquer, ou des animans raiſonnables, ou des beſtes brutes. Car Nature leurs a

  1. Sont toutes femmes femmes.

    Mais, Sire, il faut penſer que c’eſt aux grandes ames
    A ſouffrir les grands maux & que femmes ſont femmes.

    (Mairet, Sophoniſbe, I, 2)

    La femme eſt touſiours femme.