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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/228

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le tiers livre

Briſzmarg d’algotbric nubſtzne zos
Iſquebfz pruſq ; alborz crinqs zacbac.
Miſbe dilbarlkz morp nipp ſtancz bos.
Strombtz Panrge vvalmap quoſt grufz bac.

Or deuine, Epiſtemon, que c’eſt ?

Ce ſont (reſpondit Epiſtemon) noms de Diables errans, diables paſſans, diables rampans. Tes parolles ſont brayes[1] (diſt Panurge) bel amy. C’eſt le courtiſan languaige[2] Lanternoys. Par le chemin ie t’en feray vn beau petit dictionaire, lequel ne durera gueres plus qu’vne paire de ſouliers neufz. Tu l’auras plus touſt aprins, que iour leuant ſentir. Ce que i’ay dict tranſlaté de Lancernoys en vulgaire, chante ainſi.

Tout malheur eſtant amoureux,
M’accompaignoit : oncq n’y eu bien.
Gens mariez plus ſont heureux,
Panurge l’eſt, & le ſçait bien.

Reſte doncques (diſt Pantagruel) le vouloir du Roy mon pere entendre, & licence de luy auoir.


  1. Tes paroles ſont vrayes. Prononciation gasconne qui fournit un jeu de mots entre vraies et braies.
  2. Le courtiſan languaige. À la cour le langage changeait à chaque instant suivant la mode du moment et se surchargeait surtout de termes italiens. Henri Estienne dans la préface de la Conformité a soin de dire : « ie veulx bien aduertir les lecteurs que mon intention n’eſt pas de parler de ce language François bigarré, & qui change tous les iours de liuree, ſelon que la fantaſie prend ou à monſieur le courtiſan, ou à monſieur du palais, de l’accouſtrer. » C’est à cause de ces changements si prompts que Panurge prévient Épistémon que le dictionnaire qu’il lui promet « ne durera gueres plus qu’vne paire de ſouliers neufz. »