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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/265

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prologve

en lignee, comme Abraham, eſtre autant riche que Iob, autant fort que Sanſon, auſſi beau que Abſalon : l’euſt il impetré ? C’eſt vne queſtion.

A propos de ſoubhaictz mediocres en matiere de coingnee (aduiſez quand ſera temps de boire) ie vous raconteray ce qu’eſt eſcript parmy les apologues du ſaige Æſope le François. I’entends Phrygien & Troian, comme afferme Max. Planudes : duquel peuple ſelon les plus veridicques chronicqueurs, ſont les nobles François deſcenduz. Ælian eſcript qu’il feut Thracian : Agathias apres Herodote, qu’il eſtoit Samien. Ce m’eſt tout vn.

De ſon temps eſtoit vn paouure homme villageois natif de Grauot nommé Couillatris, abateur & fendeur de boys, & en ceſtuy bas eſtat guaignant cahin caha[BD 1] ſa paouure vie. Aduint qu’il perdit ſa coingnee. Qui feut bien faſché & marry ce fut il. Car de ſa coingnee dependoit ſon bien & ſa vie : par ſa coingnee viuoit en honneur & reputation entre tous riches buſcheteurs : ſans coingnee mouroit de faim. La mort ſix iours apres le rencontrant ſans coingnee, auecques ſon dail l’euſt fauſché & cerclé de ce monde. En ceſtuy eſtris commença crier, prier, implorer, inuocquer Iuppiter par oraiſons moult diſertes (comme vous ſçauez que Neceſſité feut inuentrice d’Eloquence) leuant la face vers les cieulx, les genoilz en terre, la teſte nue, les bras haulx en l’air, les doigts des mains eſquarquillez, diſant à chaſcun refrain de ſes ſuffrages à haulte voix infatiguablement. Ma coingnee Iuppiter, ma coingnee. Rien plus, ô Iuppiter, que ma coingnee, ou deniers pour en achapter vne autre. Helas, ma paouure coingnee. Iuppiter tenoit conſeil ſus certains vrgens affaires : & lors opinoit la vieille Cybelle, ou bien

  1. Cahu caha. Motz vulgaires en Touraine, tellement quellement. Que bien que mal