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chapitre iii

ou la conualeſcence de leurs amis & alliez malades : & ainſi des aultres. Ilz prenoient le Gozal, & par les poſtes le faiſoient de main en main iusques ſus les lieux porter, dont ilz affectoient les nouuelles. Le Gozal portant bandelette noire ou blanche ſcelon les occurrences & accidens, les houſtoit de penſement à ſon retour, faiſant en vne heure plus de chemin par l’air, que n’auoient faict par terre trente poſtes en vn iour naturel. Cela eſtoit rachapter & guaigner temps. Et croyez comme choſe vrayſemblable, que par les colombiers de leurs caſſines, on trouuoit ſus œufz ou petitz, tous les moys & ſaiſons de l’an, les pigeons à foizon. Ce qui eſt facile en meſnagerie, moyennant le Salpetre en roche, & la ſacre herbe Veruaine.

Le Gozal laſché, Pantagruel leugt les miſſiues de ſon pere Gargantua, des quelles la teneur enſuyt.

Filz treſcher, l’affection que naturellement porte le pere à ſon filz bien aymé, eſt en mon endroict tant acreue, par l’eſguard & reuerence des graces particulières en toy par election diuine poſées, que depuys ton partement me a non vne foys tollu tout aultre penſement. Me delaiſſant on cueur ceſte vnicque & ſoingneuſe paour, que voſtre embarquement ayt eſté de quelque meſhaing ou faſcherie acompaigné : Comme tu ſçays que à la bonne & ſyncere amour eſt craincte perpetuellement annexée. Et pour ce que ſcelon le dict de Heſiode, d’vne chaſcune choſe le commencement eſt la moytié du tout[1] : & ſcelon le prouerbe commun, à l’enfourner on faict les pains cornuz, i’ay paour de telle anxieté vuider mon entendement, expreſſement depeſché Malicorne : à ce que par luy ie ſoys acertainé de ton portement ſus

  1. La moytié du tout. — … πλέον ἤμισυ παντὸς. (Travaux et jours, v. 40.) Rabelais semble avoir eu en vue cette autre maxime : Ἁρχὴ τὸ ἤμισυ παντός, attribuée par erreur à Hésiode.