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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/343

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Comment Pantagruel euada vne forte tempeſte en mer.[1]

Chapitre XVIII.


Av lendemain rencontraſmes à poge neuf Orques[2] chargees de moines, Iacobins, Ieſuites, Cappuſſins, Hermites, Auguſtins, Bernardins, Celeſtins, Theatins, Egnatins, Amadeans, Cordeliers, Carmes, Minimes, & aultres ſainctz religieux les quelz alloient au concile de Cheſil, pour grabeler les articles de la foy contre les nouueaulx hæreticques. Les voyant Panurge entra en exces de ioye, comme aſceuré d’auoir toute bonne fortune[3] pour celluy iour & aultres ſubſequens en long ordre. Et ayant courtoiſement ſalué les beatz peres & recommendé le ſalut de ſon ame à leurs deuotes prières & menuz ſuffraiges, feiſt iecter en leurs naufz ſoixante & dixhuict douzaines de iambons, nombre de Cauiatz, dizaines de Ceruelatz, centaines de Boutargues, & deux mille beaulx Angelotz pour les ames des treſpaſſés. Pantagruel reſtoit tout penſif & melancholicque. Frere Ian l’apperceut, & demandoit dont luy venoit telle faſcherie non accouſtumee : quand le pilot conſyderant les voltigemens du pe-

  1. Comment Pantagruel euada vne forte tempeſte en mer. On trouvera dans le glossaire l’explication de tous les termes de marine contenus dans ce chapitre et dans les suivants. Nous profiterons des explications et des critiques de Jal dans son Glossaire nautique et dans le neuvième mémoire de son archéologie navale, consacré au « nauiguaige » de Pantagruel.
  2. Neuf Orques. 1548 : Vne ; ce qui est d’accord avec ce qu’on trouve au chapitre suivant (p. 340, l. 8) : la Orque. Il est probable que dans l’édition de 1552 Rabelais a changé une en neuf, pour augmenter le nombre des moines, et qu’il a oublié de modifier le second passage.
  3. Toute bonne fortune. Il est plaisant de voir les heureux présages que Panurge tire de la présence des moines rapidement démentis.