auecques Mars, & mettront tout ce monde en perturbation. Mercure ne vouldra ſoy aſſeruir les aultres, plus ne ſera leur Camille, comme langue Hetrusque eſtoit nommé. Car il ne leurs eſt en rien debteur. Venus ne ſera venerée, car elle n’aura rien preſté. La Lune reſtera ſanglante & tenebreuſe. A quel propous luy departiroit le Soleil ſa lumiere ? Il n’y eſtoit en rien tenu. Le Soleil ne luyra ſus leur terre : les Aſtres ne y feront influence bonne. Car la terre deſiſtoit leurs preſter nourriſſement par vapeurs & exhalations : des quelles diſoit Heraclitus, prouuoient les Stoiciens, Ciceron maintenoit eſtre les eſtoilles alimentées. Entre les elemens ne ſera ſymboliſation, alternation, ne tranſmutation aulcune. Car l’vn ne ſe reputera obligé à l’autre, il ne luy auoit rien preſté. De terre ne ſera faicte eau : l’eau en aer[1] ne ſera tranſmuée : de l’aer ne ſera faict feu : le feu n’eſchauffera la terre. La terre rien ne produira que monſtres, Titanes, Aloides[2], Geans : Il n’y pluyra pluye, n’y luyra lumiere, n’y ventera vent, n’y ſera eſté ne automne. Lucifer ſe deſliera, & ſortant du profond d’enfer auecques les Furies, les Poines, & Diables cornuz, vouldra deniger des cieulx tous les dieux tant des maieurs comme des mineurs peuples. De ceſtuy monde rien ne preſtant ne ſera qu’vne chienerie : que vne brigue plus anomale que celle du Recteur de Paris, qu’vne Diablerie plus confuſe que celle des ieuz de Doué[3]. Entre les humains l’vn ne ſaluera l’aultre : il aura beau crier à l’aide, au feu, à l’eau, au meurtre. Perſonne ne ira à ſecours. Pourquoy ? Il n’auoit rien preſté, on ne luy debuoit rien. Perſonne n’a intereſt en ſa conflagration, en ſon naufrage, en ſa ruine, en ſa mort. Auſſi bien ne preſtoit il rien. Auſſi bien n’euſt il par apres rien
- ↑ Aër. Lisez aer.
- ↑ Aloides. Virgile (Énéide, VI, 582) parle ainsi
de ces géants :
Hic et Aloidas geminos immania vidi
Corpora, qui manibus magnum rescindere cœlum
Aggressi, superisque Jovem detrudere regnis. - ↑ Ieuz de Doué. Cette « diablerie » de Doué, petite ville de Maine-et-Loire, à vingt kilomètres de Saumur, faisait partie d’une représentation de la Passion. « Plus hideux & villains que les Diableteaux de la paſſion de Doué, » dit Rabelais dans le Quart livre. (t. II, p. 454)