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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/374

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le qvart livre

Il m’en ſouuient (diſt Epiſtemon) & encores me friſſonne & tremble le cœur dedans ſa capſule, quand ie penſe es prodiges tant diuers & horrificques les quelz veiſmes apertement cinq & ſix iours auant ſon depart. De mode que les ſeigneurs de Aſſier, Chemant, Mailly le borgne, Sainct Ayl, Villeneufue Laguyart, maiſtre Gabriel medicin de Sauillan, Rabelays, Cohuau, Maſſuau, Maiorici, Bullou, Cercu, dict Bourguemaiſtre, François Prouſt, Ferron, Charles Giraud, François Bourré, & tant d’aultres amis, domeſticques, & ſeruiteurs du deſſunct tous effrayez ſe reguardoient les vns les aultres en ſilence ſans mot dire de bouche, mais bien tous penſans & preuoyans en leurs entendemens que brief ſeroit France priuee d’vn tant perfaict & neceſſaire cheuallier à ſa gloire & protection, & que les cieulx le repetoient comme à eulx deu par proprieté naturelle.

Huppe de froc (diſt frere Ian) ie veulx deuenir clerc ſus mes vieulx iours. I’ay aſſez belle entendouoire, voie. Ie vous demande en demandant[1], comme le Roy à ſon ſergent, & la Royne à ſon enfant, ces Heroes icy & Semidieux des quelz auez parlé, peuuent ilz par mort finir ? Par nettre dene ie penſoys en penſaroys[2] qu’ilz feuſſent immortelz, comme beaulx anges, Dieu me le veueille pardonner. Mais ce reuerendiſſime Macrobe dict qu’ilz meurent finablement. Non tous (reſpondit Pantagruel). Les Stoiciens les diſoient tous eſtre mortelz, vn excepté, qui ſeul eſt immortel, impaſſible, inuiſible. Pindarus apertement dict es deeſſes Hamadryades plus de fil, c’eſt à dire plus de vie, n’eſtre fille de la quenoille & filaſſe des deſtinees & Parce iniques, que es arbres par elles conſeruees. Ce ſont cheſnes, des quelz elles naſquirent ſcelon l’opinion de Callimachus,

  1. Ie vous demande en demandant. Dicton qui forme trois vers. Le premier est répété au commencement du prologue du Ve livre.
  2. En penſaroys. Dans le pays, dans la province des pensées. Rabelais a toute une géographie de ce genre à son usage. C’est ainsi que plus haut (t. I, p. 27) il a appelé Bibaroys le pays des buveurs.