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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/39

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Continuation du diſcours de Panurge, à la louange
des preſteurs & debteurs.


Chapitre IIII.


Av contraire repreſentez vous vn monde autre, on quel vn chaſcun preſte, vn chaſcun doibue, tous ſoient debteurs, tous ſoient preſteurs. O quelle harmonie ſera parmy les reguliers mouuemens des Cieulz. Il m’eſt aduis que ie l’entends auſſi bien que feiſt oncques Platon[1]. Quelle ſympathie entre les elemens. O comment Nature ſe y delectera en ſes œuures & productions. Ceres chargée de bleds : Bacchus de vins : Flora de fleurs : Pomona de fruictz : Iuno en ſon aër ſerain ſeraine, ſalubre, plaiſante. Ie me pers en ceſte contemplation. Entre les humains Paix, Amour, Dilection, Fidelité, repous, banquetz, feſtins, ioye, lieſſe, or, argent, menue monnoie, chaiſnes, bagues, marchandiſes, troteront de main en main. Nul proces, nulle guerre, nul debat : nul n’y ſera vſurier, nul leſchart, nul chichart, nul refuſant. Vray Dieu, ne ſera ce l’aage d’or, le regne de Saturne ? L’idée des regions Olympicques : es quelles toutes autres vertus ceſſent : Charité ſeule regne, regente, domine, triumphe. Tous ſeront

  1. Que feit oncques Platon. il est question dans le cinquieſme liure (t. III, p. 67) d’une « harmonie peu moindre que celle des aſtres rotans, laquelle dit Platon auoir par quelques nuicts ouye dormant. »