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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/455

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Or notez Beuueurs, que durant la meſſe ſeche de Homenaz, trois manilliers de l’Eccliſe chaſcun tenant vn grand baſſin en main, ſe pourmenoient parmy le peuple diſans à haulte voix. N’oubliez les gens heureux, qui le ont veu en face. Sortans du temple ilz apporterent à Homenaz leurs baſſins tous pleins de monnoye Papimanicque. Homenaz nous diſt, que c’eſtoit pour faire bonne chere. Et que ceſte contribution & taillon l’vne partie ſeroit employee à bien boyre, l’aultre à bien manger, ſuyuant vne mirificque gloſſe cachee en vn certain coingnet de leurs ſainctes Decretales. Ce que feut faict, & en beau cabaret aſſez retirant à celluy de Guillot en Amiens[1]. Croyez que la repaiſaille feut copieuſe, & les beuuettes numereuſes.

En ceſtuy dipner ie notay deux choſes memorables. L’vne que viande ne feut apportee, quelle que feuſt, feuſſent cheureaulx, feuſſent chappons, feuſſent cochons, (des quelz y a foizon en Papimanie) feuſſent pigeons, connilz, leuraulx, cocqs de Inde, ou aultres,

  1. Guillot en Amiens. Ce n’est pas là un personnage de fantaisie. Sa réputation était bien établie. Jean de la Bruyère Champier, dans son De re cibaria (XV, 1), mentionne à Amiens : « Vnum popinarium, nomine Guillelmum (Guillotum vulgus cognominat), » qui sait préparer avec la plus grande promptitude des repas dignes des rois et a facilement et à bon droit obtenu la palme parmi les taverniers de France. » Montaigne, dans son Voyage, p. 202, parlant, à l’article Lavenelle, d’un célèbre cuisinier de Toscane, dit : « L’hoſtellerie eſt fameuſe… On en faict ſi grand feſte que la nobleſſe du païs s’y aſſamble ſouuant, come chés le More à Paris, ou Guillot à Amians. »