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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/467

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chapitre liii

aultres fermé. Quel liure penſez vous que ſoit ? Ie ne ſçay certes, reſpondit Pantagruel. Ie ne leuz oncques dedans. Ce ſont, diſt Homenaz, les Decretales, ſans les quelles periroient les priuilege de toutes Vniuerſitez. Vous me doibuez ceſte là. Ha, ha, ha, ha, ha. Icy commença Homenaz rocter, peter, rire, bauer, & ſuer : & bailla ſon gros, gras bonnet à quatre braguettes à vne des filles : laquelle le poſa ſus ſon beau chef en grande alaigreſſe, après l’auoir amoureuſement baiſé, comme guaige, & aſceurance qu’elle ſeroit premiere mariee. Viuat (s’eſcria Epiſtemon) viuat, fifat, pipat, bibat[1]. O ſecret Apocalypticque. Clerice (diſt Homenaz) clerice, eſclaire icy, à doubles lanternes. Au fruict pucelles. Ie diſois doncques que ainſi vous adonnans à l’etude vnicque des ſacres Decretales, vous ſerez riches & honorez en ce monde. Ie diz conſequemment qu’en l’aultre vous ſerez infailliblement ſauluez on benoiſt royaulme des Cieulx, du quel ſont les clefz baillees à noſtre bon Dieu Decretaliarche. O mon bon Dieu, lequel ie adore, & ne veids oncques, de grace ſpeciale ouure nous en l’article de la mort, pour le moins, ce treſſacre theſaur de noſtre mere ſaincte Eccliſe, du quel tu es protecteur, conſeruateur, prome conde[BD 1], adminiſtrateur, diſpenſateur. Et donne ordre que ces precieux œuures de ſupererogation, ces beaulx pardons au beſoing ne nous faillent. A ce que les Diables ne trouuent que mordre ſus nos paouures ames, que la gueule horrificque d’Enfer ne nous engloutiſſe. Si paſſer nous fault par Purgatoire, patience. En ton pouuoir eſt & arbitre nous en deliurer, quand vouldras. Icy commença Homenaz iecter groſſes & chauldes larmes, batre la poictrine, & baiſer ſes poulces en croix[2].


  1. Promeconde. deſpanſier, celerier guardian : qui ſerre & diſtribue le bien du ſeigneur
  1. Viuat, fifat pipat, bibat. Épistémon après avoir prononcé un vivat le fait passer par toutes les variantes de la prononciation allemande pour arriver à bibat (qu’il boive). On sait que, suivant un ancien dicton, Germanis vivere bibere est.
  2. Baiſer ſes poulces en croix. « Allusion à ce que font les bigots dont la dévotion consiste si essentiellement à baiser la Croix, que pour en avoir toujours une à leur disposition, ils la forment de leurs deux pouces qu’ils portent croisez continuellement à la bouche. En Languedoc, on dit d’un homme qui s’intéresse sensiblement à une affaire qu’il baise ses pouces en croix pour qu’elle réussisse. » (Le Duchat)