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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/88

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le tiers livre

tines, faiſoient certains præambules notables auant entrer en l’ecliſe. Fiantoient aux fiantouoirs, piſſoient aux piſſouoirs, crachoient aux crachouoirs, touſſoient aux touſſouoirs melodieuſement, reſuoient aux reſuoirs, affin de rien immonde ne porter au ſeruice diuin. Ces choſes faictes, deuotement ſe tranſportoient en la ſaincte Chapelle (ainſi eſtoit en leurs Rebus nommée la cuiſine clauſtrale) & deuotement ſollicitoient que des lors feuſt au feu le beuf mis pour le deſieuner des religieux freres de noſtre Seigneur. Eulx meſmes ſouuent allumoient le feu ſoubs la marmite. Or eſt que matines ayant neuf leçons, plus matin ſe leuoient par raiſon. Plus auſſi multiplioient en appetit & alteration aux abboys du parchemin : que matines eſtantes ourlées d’vne, ou trois leçons ſeulement. Plus matin ſe leuans, par la dicte Caballe, plus toſt eſtoit le beuf au feu : plus y eſtant, plus cuict reſtoit : plus cuyct reſtant, plus tendre eſtoit, moins vſoit les dens, plus delectoit le palat : moins greuoit le ſtomach, plus nourriſſoit les bons religieux. Qui eſt la fin vnicque & intention premiere des fondateurs : en contemplation de ce qu’ilz ne mangent mie pour viure, ils viuent pour manger, & ne ont que leur vie en ce monde. Allons Panurge.

A ceſte heure (diſt Panurge) te ay ie entendu, couillon velouté, couillon clauſtral & Cabalicque. Il me y va du propre cabal. Le fort, l’vſure, & les intereſtz ie pardonne. Ie me contente des deſpens : puys que tant diſertement nous as faict repetition ſus le chapitre ſingulier de la Caballe culinaire & monaſticque. Allons, Carpalim. Frere Ian, mon baudrier, allons. Bon iour, tous mes bons ſeigneurs. I’auoys aſſez ſongé pour boyre. Allons.