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Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/169

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tassait l’édredon sur sa poitrine et se couvrait la tête avec les draps. Sa désolation surtout était de demeurer sans lumière ; la nuit, chez son frère, il y avait une veilleuse que la nourrice entretenait jusqu’au matin, et lorsque Mary faisait des rêves de grande dame elle se jurait d’avoir une jolie veilleuse rose, si dans l’avenir une fée lui apportait une grosse fortune.

Mary, cette nuit-là, vit arriver Tulotte de la plus singulière façon ; la cousine, achevée par le froid des corridors et qui avait bu autant que les servantes, s’était laissée choir sur le palier, puis, par un violent effort, elle s’était remise à quatre pattes pour entrer.

— Je ne sais pas ce que j’ai attrapé, bougonnait-elle, sa longue figure tout hébétée, je vois double… oui… je vois double… je ne sais plus ce que ça veut dire. Eh bien ! vas-tu te coucher, toi, grimacière ?…

Mary, assise sur son lit, ôtait ses bas et ne disait rien.

— De quoi… la France !… la prospérité de ce règne ! nous nous en moquons un peu, mon colonel… seulement c’est de madame Corcette qu’il s’agit. Faut éblouir le nouveau capitaine instructeur par de belles histoires patriotiques… Mais il vous a un nez fin, lui, mon capitaine… il laisse causer… et il attrape des galons.

Mary qui pensait que cela s’adressait à elle se prit à sourire.

— Madame Corcette est l’amoureuse de papa… dit-elle du ton le plus naturel du momie.