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Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/238

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avait beau interdire sa porte, les reléguer dans les appartements d’en haut, il lui tombait toujours une femme du ciel quand il traversait son corridor.

Le frère de Daniel Barbe habitait, depuis qu’il avait fait fortune, une tranquille maison de la rue Notre-Dame-des-Champs, entre cour et jardin. Parisien pur sang, il était resté au centre des luttes scientifiques au lieu de se retirer en province comme le lui conseillait souvent le pauvre colonel défunt.

Antoine-Célestin Barbe, homme d’action, d’une rare intelligence, se sentait lié par ses plus secrètes fibres au monde savant. Là, on l’avait suivi dans ses théories, on avait applaudi ses audaces, couronné ses découvertes. Professeur à l’École de médecine, grand amateur de sciences naturelles, botaniste enragé, diplômé de tous les congrès, ayant publié un traité d’anatomie fort en honneur, il possédait des amis et des élèves respectueux ; puisque tout n’avait pas sombré dans les derniers désastres, il espérait bien voir luire encore de beaux jours pour les débats de ces questions ardues qu’on ne peut résoudre qu’après de longues années. Or, voici que des femmes… Célestin Barbe, le grave professeur de soixante ans, n’aimait guère les femmes. Aux époques passionnées de sa vie, il avait su borner ses aventures galantes à de simples relations hygiéniques. De tempérament calme, il ne comprenait que pour les autres la nécessité du mariage, prétendait même qu’il vaut mieux subir l’amputation