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Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/254

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écriture fort nette, et classait les pages de l’herbier avec une méthode étonnante. Par exemple, chaque fois qu’il arrivait un ami ou un élève, il la priait de se retirer.

C’était bien assez d’avoir à traverser Paris en voiture sans qu’elle eût à entendre les échos de la ville perverse. Il voulait conserver la plus grande pureté dans leurs mœurs pour la marier à la première occasion, selon ses principes. Une fois seulement il survint un nuage. Mary, libre de soigner les plantes de son jardin, s’appropria une très belle sensitive, l’installa chez elle, dans une jardinière de Sèvres et, là, s’amusa à l’épuiser sous ses coups d’ongle. Elle éprouvait un indicible plaisir en voyant le grêle feuillage en forme de mignon trèfle, se refermer dès qu’on l’effleurait, et elle finit par tuer la plante. Son oncle se fâcha, toujours froidement, mais il demeura songeur durant une semaine, ne voulant plus lui adresser la parole.

— Tu ne ferais pas de mal aux animaux ? Pourquoi tourmentais-tu cette sensitive ? demanda-t-il.

— Cela m’amusait de lui voir des tressauts parce qu’elle ressemblait aux ramifications des cerveaux humains qui sont coloriés sur vos gravures anatomiques, mon oncle ! J’avais l’idée de torturer une tête en fleur, mais je ne recommencerai plus !

Antoine-Célestin Barbe ne trouva rien à lui répondre… Mary, douée d’une bonne mémoire, s’instruisait pour se distraire, ne se doutant pas le moins du monde qu’elle était à Paris, au sein de toutes