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Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/277

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— Bah ! dit soudain la jeune fille, sûre de ce qu’elle avançait, tout ce qu’il a est à sa nièce…

Alors, Louis de Caumont baisa sa main. Il n’en revenait pas : cette fille de dix-huit ans calculait comme une vieille femme tout en demeurant affolante de beauté. Dès leur première entrevue, lorsqu’il était venu pour recommander le fils de son garde-chasse à M. Barbe, elle lui avait paru gauche ; depuis un an elle s’était épanouie en une floraison mystérieuse, et chaque visite chez le savant l’avait rendu plus amoureux. Malgré l’intérêt pécuniaire qu’il avait à ce mariage, il ne pensait qu’à la possession de la belle créature, sa découverte, à lui, l’expert en matières féminines, son oriolampas unique. Ce n’était pas une banale parisienne, mais une petite doctoresse jouant avec les traités de son oncle comme elle aurait joué avec des bracelets. Son éducation lui assurait sa vertu en même temps qu’elle lui promettait des surprises pour le coin du feu. Elle n’avait jamais eu le temps d’aller dans le monde, donc elle était chaste.

— Mary, comprenez-vous que je vous aime ? répétait-il.

Elle se tourna sans rougir.

— Vous ne me déplaisez pas, répondit-elle.

— Je suis bien plus âgé que vous, Mary.

— Oh ! vous l’êtes beaucoup moins que mon oncle !

— Adorable candeur de petite fille ! Est-ce que je dois être un oncle pour vous ?…