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Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/288

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baron éperdûment épris, ne pouvant deviner tout ce que l’oncle endurait.

— Une excellente petite femme, balbutiait le vieillard se sentant agoniser, l’aimant toujours d’un amour de pauvre qui mendie. D’ailleurs, elle lui permettait encore de ne pas déménager son cabinet, cela sauvegarderait un dernier lambeau d’honneur.

Humblement, il acquiesçait à tous leurs projets. Ils recevraient, ils iraient dans le monde, on promènerait le tortil, et lui, l’avare dépouillé de son trésor, il resterait transi près de la cheminée en songeant que c’était, selon l’expression de Tulotte, le juste retour des choses d’ici-bas. Maintenant il n’aurait plus le courage de se tuer.

Le mariage eut lieu à Notre-Dame-des-Champs, sans trop de faste. Quelques gommeux de la société du baron, quelques savants du cercle de l’oncle Barbe y assistèrent. On était au printemps, il y avait beaucoup de fleurs naturelles. Le vieillard eut une syncope pendant la cérémonie, des dames le virent tomber roide et crurent que la mariée allait hériter le soir de ses noces. Lui, revenu à la raison, affirma que les fleurs lui faisaient cet effet quand il les sentait de près. On dîna chez lui, un dîner de quarante couverts auquel il se dispensa de prendre part à cause des grosses gerbes de roses ornant la table. Les époux annoncèrent le départ ordinaire pour l’Italie, mais ils gagnèrent tout simplement leur chambre. Le docteur dut passer devant cette chambre pour gagner la sienne,