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Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/310

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valu pour lui ne jamais savoir certaines choses, par exemple que les filles à 27 francs la nuit ne suffisent pas au cœur de qui a faim d’amour véritable. Mais comme il se voyait odieux en présence de sa femme !

— Vous me tuez ! répéta-t-il en se raidissant contre la folle tentation qu’il avait de lui baiser les bras.

Elle éclata de rire. En vérité, il lui rappelait le petit Siroco de Vienne, l’enfant trouvé au bord du Rhône, dans un tourbillon de vent.

L’odeur des roses ajoutait une illusion de plus, elle redevenait la fillette frêle et câline qu’on berçait encore pour l’endormir.

— Paul, vous êtes amoureux : on n’en meurt pas !

Il bondit, debout, ébloui de ses audacieuses coquetteries.

— Madame, c’est un crime de vous aimer, puisque votre mari me donne du pain ! Madame…

— Eh ! tais-toi donc, Paul, répondit-elle en glissant autour de ses robustes épaules ses bras nerveux, félinement tordus, tu vas faire accourir Tulotte. D’abord, je n’aime pas mon mari, je ne l’ai jamais aimé, il m’a offensée à Bade en me traitant de courtisane. Oui ! cet homme a osé, parce que je lui réclamais de l’argent qui est le mien ! Je ne lui pardonnerai pas, je ne pardonne pas, moi. Je me suis souvenu de tes yeux, je savais que tu m’aimais, car tu es devenu amoureux le soir de la robe verte,