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Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/343

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— Ce n’est rien, dit-elle, avec une farouche précipitation ; au contraire, laisse donc, cela m’amuse de me sentir marcher dans ce flot rouge !

Elle lui expliqua qu’elle l’avait aimé pour cette infirmité de gamin bien portant, et que, si elle osait, elle le ferait saigner ainsi par plaisir. Paul, désormais, rechercha les occasions. Tantôt il se cognait le front, ayant l’air de ne pas le faire exprès. Tantôt il tenait la tête penchée, plus basse que le reste du corps, et quand il se relevait il guettait comme une récompense son cruel sourire de femme capricieuse. Alors elle l’enlaçait plus étroitement, s’enivrant du sang qui la barbouillait ; durant ces heures, elle le comblait de ses caresses les plus perverses, de ses mots les plus délirants. Elle finit par lui avouer que si on le guérissait, elle en serait fort ennuyée. Elle aimait ce sang comme Tulotte aimait les liqueurs. Chaque nuit voyait s’augmenter leur passion et ce vertige de la chair se liquéfiant, vermeille, sous les étreintes sauvages.

— Pourquoi n’es-tu pas mon mari, toi ? demandait-elle au milieu de ses bonheurs.

Et il se sentait plein d’orgueil, oubliant que le mari, celui qu’ils trompaient, était son père.

— Puisqu’il ne m’a pas tuée, c’est un lâche ! disait-elle encore, le méprisant tout haut, devant l’étudiant, qui l’approuvait de ses regards fous, ne voulant pas se rappeler.

Un matin, vers la pointe de l’aube, le jeune homme s’évanouit dans ses bras parce qu’elle s’était